Le personnage clé de nos débats politiques est le chef d’entreprise. Quand il paraît, chacun retient son souffle car celui-ci n’est pas un citoyen ordinaire. Il ne donne pas une opinion personnelle, il parle au nom d’intérêts supérieurs. Il est en effet tout à la fois créateur d’emplois et pourvoyeur de richesses, et la bonne santé de notre économie dépend largement de ses initiatives. De surcroît, comme son nom l’indique, c’est un chef, investi de lourdes responsabilités et qui a prouvé son savoir-faire sur le terrain. Comment, dès lors, ne pas écouter ses doléances et suivre ses recommandations sur toutes ces grandes questions qui agitent la nation : la politique salariale, fiscale, sociale qui conditionne la survie de son entreprise et donc de la nôtre ? Cependant, au hasard de la joute oratoire en cours, on apprend que ce capitaine d’industrie, cet aventurier saint-simonien, ce gestionnaire hors pair et cet incomparable meneur d’hommes tient un salon de coiffure, une librairie-papeterie, une boulangerie- pâtisserie ou un bar-tabac et que l’on aurait pu le rencontrer dans le quartier où l’on fait habituellement ses courses. En vérité, plutôt que fréquentant les dîners en ville chez les patrons du CAC 40, on imagine davantage ces aimables figures d’une France familière tapant la manille ou la coinchée avec le facteur, l’électricien, le gazier dans un roman de Marcel Aymé. Qu’on ne s’y méprenne pas, nous ne nourrissons aucun mépris à l’encontre de ces honorables professions, exercées par "d’excellents français", eût dit Maurice Chevalier. On espère donc que les électeurs réfléchiront bien avant de voter, afin que des choix irresponsables n’accablent pas ces braves gens d’impôts, de charges et de tracasseries administratives qui les contraindraient à fermer boutique, voire à plier bagages.
Yoland Simon
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