Outre Pyrénées, la semaine sainte qui va commencer est la grande semaine des processions où des statues du Christ surchargées d’or et de draperies, hissées sur de massifs plateaux, sont trimballées dans les rues de la cité par des pénitents déguisés en membres du Ku-Klux-Klan. Et cela aux sons aigus des fifres et avec le martèlement des tambourins, dans les fumées de l’encens et des centaines de cierges se consumant. Mais, au-delà de l’image, qu’on n’ose qualifier d’Epinal, de la semaine sainte de Séville, combien de processions moins célèbres qui méritent pourtant un coup de projecteur ?
Gladiator et Jésuschrist
Linares (Jaén)
"Gladiator" (Banda de Cabecera Santísimo Cristo de la Expiración)
Ponce-Pilate s’est lavé les mains du procès contre Jésus de Nazareth et à cause de cela les Juifs se sont chopés deux mille ans de persécution comme déicides ! En plein vendredi saint de 2014, la Fanfare de la Sanctissime face du Christ expirant oubliant ce préfet romain, s’est référé aux chrétiens dévorés par de féroces lions, dans le Circus Maximus, pour le divertissement des Romains, en jouant un arrangement de la bande originale du film Gladiator de Ridley Scott. Le film est censé démarrer en 180 ap. J.C., soit bien après l’exécution supposée du Messie. Mais on ne va pas demander à une fanfare d’être à plus d’un siècle et demi près, d’autant que la composition musicale est contemporaine.
Los Sanjuaninos bailongos
Selon ses membres actuels, la Confrérie de Saint Jean Evangéliste a été fondée par un groupe de jeunes célibataires asturiens de l’Action catholique. Cependant, sa tangante procession, au son des tambours et des cimbales, connue sous le nom de « Danse de Saint-Jean », n’incline guère à la piété et au recueillement.
Et elle a inspiré des parodies mécréantes où l’air original est rejoué en version reggae ou autres.
Jésus ressuscite au son de « Ah si j’t’attrape »
“Ah ! si j’t’attrape !” rythme l’avancée du fils de dieu. Ce dieu tout-puissant, qui a anéanti Sodome et Gomorrhe sous un déluge de soufre et de feu, aurait pu envoyer un ange exterminateur pour anéantir aussi cette fanfare qui joue donc cet « Ay, como te coja » aux consonances très gay, si j’en crois Jaime Noguera.
A las barricadas
Louseiro (Galicia)
La fanfare Tachycardie (Takikardia) acompagnait la procession de Saint-Martin avec notamment La Varsovienne qui comme son nom l’indique est un chant d’origine polonaise, mais devenu ensuite un chant révolutionnaire russe et, sous le titre A las barricadas, avec des paroles espagnoles, le chant des anarchistes espagnols en 1936. (Voir et entendre deux versions, plus bas, en complément, ainsi que La Varsovienne et une variante parodique).
El Sidracrucis
Procession éthylique, consacrée à la boisson asturienne par excellence, le cidre, et qui n’a qu’un lointain rapport avec les souffrances endurées par le Christ pendant son agonie. Car le chemin de croix consiste à aller de cidreries en cidreries pour s’y repaître d’un solide plat local à base de fèves, nourriture solide au corps, arrosé de bolées de cidre tirées directement aux tonneaux, pour l’élévation de l’âme !
Mais on ne trouve pas trace, dans les saintes écritures, d’un passage où les apôtres se seraient livrés avec ferveur à la consommation de cidre.
L’enterrement de Genarin, saint ivrogne et fornicateur
La procession est dédiée à Genaro Blanco Blanco – Genarín pour ses potes – un fieffé buveur, pilier de bistrots et de bordels, qui fut mortellement heurté par le premier camion à ordures de la ville de León, en 1929, alors qu’il vidait sa vessie dans la rue. En souvenir de ce personnage tant aimé, les Léoniens célèbrent, chaque Jeudi saint, un irrévérencieux chemin de croix, avec lecture de poèmes – sans doute bacchiques – et offrande de tourteaux, de fromage et d’une orange à Genarín, le Saint poivrot !
Le Christ à poil.
La statue du Christ nu dans les bras de la Mort a semé la zizanie chez les fidèles de Medina del Campo. Bien que la peinture espagnole du XVIe et XVIIe siècles représente fréquemment ainsi le crucifié – et, faut-il rappeler ?, le plafond de la papale Chapelle Sixtine où c’est le Dieu-le-père lui-même qui est peint dans le plus simple appareil - beaucoup de paroissiens choqués s’opposaient à ce que cette représentation de Jésus à poil fut promenée en procession dans les rues de la ville. Finalement un accord put se faire : le saint pénis circoncis fut caché par un pudibond voile pour ne pas troubler l’œil des chaisières locales.
Pour conclure, une désopilante Saeta, entonnée par une Sévillane à son balcon, Sévillane apparemment possédée par son art incantatoire !
Source :
Las procesiones más irreverentes de Semana Santa
https://blogs.publico.es/strambotic/2018/03/semana-santa-irreverente-bis/
En complément
Deux versions d'A las barricadas
Puis La Varsovienne
Enfin L'Intermittente (parodie de Chanson plus bi-fluoré)
A las barricadas
Negras tormentas agitan los aires.
Nubes oscuras nos impiden ver.
Aunque nos espere el dolor y la muerte
Contra el enemigo nos llama el deber.
El bien más preciado es la libertad
Hay que defenderla con fe y valor.
Alza la bandera revolucionaria
que del triunfo sin cesar nos lleva en pos
Alza la bandera revolucionaria
que del triunfo sin cesar nos lleva en pos
En pie el pueblo obrero, a la batalla
Hay que derrocar a la reacción.
¡ A las barricadas ! ¡ A las barricadas !
Por el triunfo de la Confederación.
¡ A las barricadas ! ¡ A las barricadas !
Por el triunfo de la Confederación.
LA VARSOVIENNE
En rangs serrés l’ennemi nous attaque
Autour de notre drapeau groupons-nous.
Que nous importe la mort menaçante
Pour notre cause soyons prêts à souffrir
Mais le genre humain courbé sous la honte
Ne doit avoir qu’un seul étendard,
Un seul mot d’ordre Travail et Justice,
Fraternité de tous les ouvriers.
REFRAIN
O frères, aux armes, pour notre lutte,
Pour la victoire de tous les travailleurs.
Les profiteurs vautrés dans la richesse
Privent de pain l’ouvrier affamé.
Ceux qui sont morts pour nos grandes idées
N’ont pas en vain combattu et péri.
Contre les richards et les ploutocrates.
Contre les rois, contre les trônes pourris,
Nous lancerons la vengeance puissante
Et nous serons à tout jamais victorieux.
L’INTERMITTENTE
Amstram
Gram
Assedic et
Spedidam
Qui qui va
Perdre ses droits
C'est toi ! Oh non, pas moi oh
En rang serré
L'ennemi nous assaille
Autour de no-o-tre drapeau groupons nous
Que nous importe la mort menaçante
Pour l'Assedic soyons prêts à souffrir
Mais le musicien courbé sous la honte
Ne doit avoir a-ar qu'un seul étendard
Un seul mot d'ordre travail et justesse
Suivons le rythme sur un temp d'acier
Oh frères aux armes pour notre lutte
Pour la victoire de tous les intermittents
Un seul mot d'ordre feuilles roses et vignettes
Fiches de payes, congés spectacles
Défraiements
Les producteurs vautrés dans la richesse
Privent de pain les artistes affamés
Ceux qui sont morts pour nos grandes idées
N'ont pas en vain combattu et chanté
Contre les bourgeois et les ploutocrates
Contre les rois contre les trônes pourris
Nous lancerons la vengeance puissante
Et nous serons à tout jamais victorieux
Oh frères aux armes pour notre lutte
Pour la victoire de tous les intermittents
Un seul mot d'ordre feuilles roses et vignettes
Fiches de paye, congés spectacles
Défraiements
Defraiements !...
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