Une coiffe - assez laide de mon point de vue – sur la tête d’une étudiante a provoqué un de ces bouzes qui éclatent sur la toile – en particulier sur touitteur mais pas que – avant d’être chassé par un autre bouze. Baptisée « voile » - en fait une sorte de cagoule noire entourée d’une sorte de châle – elle s’est chargée de symboles. Marque identitaire – mais évidemment pas de la bonne identité – a affirmé Collomb, ministre de l’intérieur, marque d’un islamisme politique a surenchéri la secrétaire d’état à l’égalité, Marlène Schiappa. Deux anciens présidents de l’UNEF sont montés au front, Julien Dray (qui s’est pris pour le fondateur de l’UNEF) et Bruno Julliard. Et ne parlons pas de Marianne, de Charlie-Hebdo, du Printemps Républicain et encore moins de la lie des « desouche ».
Si on remet le compteur à zéro, on constate :
1°) que la jeune étudiante a parfaitement le droit de porter cette coiffe ; certes d’aucuns, tel Jean-Pierre Obin, ex-IGEN, voudraient étendre la loi de 2004 dite loi Stasi, aux étudiantes, mais même Caroline Fourest, qu’on n’osera pas soupçonner de laïcisme mou, n’y est pas favorable.
2°) que l’UNEF se veut le syndicat de tous les étudiants ; et elle affirme « c’est à l’UNEF de s’adapter aux évolutions du monde étudiant pour mieux les prendre en compte, et non l’inverse. » « Le syndicalisme, pour reprendre la définition de la Charte d’Amiens, est une forme d’organisation que choisissent des individus afin de se regrouper pour assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux et cela, indépendamment des opinions politiques, philosophiques ou religieuses de chacun. » Donc les étudiantes dites voilées doivent être accueillies sans réserve dans cette organisation.
Maryam Pougetoux discutant avec deux autres membres de l'UNEF (photo empruntée au New York Times)
En conséquence logique, si une étudiante adhérente de l’UNEF aspire à prendre des responsabilités dans le syndicat, c’est aux autres membres d’en décider selon leur procédure. Précisons d’ailleurs que Maryam Pougetoux n’est pas la porte-parole de l’UNEF nationale mais de l’université Paris IV. Rappelons encore, y compris au député insoumis Quatennens, que l’UNEF n’est pas une administration publique soumise à l’obligation de neutralité et d’impartialité de l’État, notamment au plan religieux (loi de 1905), donc que ses représentants n’ont pas à s’astreindre au devoir de s’abstenir d’afficher leur opinion. Faut-il ajouter que cette syndicaliste, dans l’entretien, s’est contentée d’afficher l’opposition de son syndicat à la Loi ORE et à Parcoursup ? En aucun cas, elle n’a fait montre d’un quelconque prosélytisme et encore moins affiché le radicalisme religieux qu’on lui prête.
Néanmoins, cela lui a valu une UNE de Charlie que, pour une fois exceptionnellement d’accord avec Corbière, je juge dégueulasse. Qu’on ne brandisse pas la liberté de caricature de l’hebdo : elle n’annule pas la liberté d’opinion et d’expression des lecteurs. Et la réponse juste insultante de Riss la semaine suivante démontre qu’il est entré dans une logique au mieux (?) « Printemps Républicain » au pire « Riposte laïque » (qui n’est absolument pas laïque mais xénophobe). Bouvet ou Cassen !
Et derrière cette obscène caricature, il y a non pas un prophète mort il y a plus de 13 siècles ou une prétendue vierge morte elle depuis 20 siècle, mais une jeune femme de 19 ans, de chair et de sang, juste déléguée d’une section syndicale (et pas, non plus, une personne publique au cuir épais). Les échos de cette une sur touitteur montre assez quel public applaudit : les identitaires de tout poil.
Chacun projette sur cette pièce de vêtement ses propres fantasmes et celles qui le portent le font aussi pour des raisons diverses – conformisme, croyance, voire provocation. En soi, si c’est souvent moche, ça n’a d’autres significations que celles qu’y mettent les unes, celles qui portent ce tissu, et les autres qui les scrutent. On peut d’ailleurs penser que, pour nos étudiantes, cet affichage ostensible, ne soit, comme le petit livre rouge qu’agitaient leurs lointains devanciers, que temporaire. Mais ce n’est certainement pas en les ostracisant avec mauvaise foi – sans jeu de mot – qu’on les convaincra d’abandonner ces oripeaux.