« Qu’ils viennent me chercher ! » Ce défi puéril d'E. Macron, style « tartagueuleàlarécré », qui se veut bravache n’est que lâche. L’article 67 de la Constitution le protège. Et sa déclaration clanique – devant ses féaux et courtisans – est un véritable bras d’honneur. Sarkozy n’avait donc pas tort quand il déclarait : « C’est moi, en pire ». Même attitude d’ado attardé, narcissiquement ivre de son pouvoir.
Sarkozy en pire, mais dans l’exercice de sa fonction. Car s’il a peut-être bénéficié de remises pour sa campagne, il n’a pas eu recours à des financements exotiques et son mouvement était trop récent pour bygmallioniser, c’est-à-dire pulvériser le plafond de dépenses autorisées. Mais comme Président il fait preuve de la même faconde outrancière. Et on l’a vu marcher sur les brisées de son prédécesseur par des déclarations devant les prélats, et la remise solennelle des plus grotesques du titre de Chanoine de Latran. Et si son interpellation du collégien, coupable d’un « Manu » fut moins grossière et plus didactique que le « Casses-toi pauvre con ! », elle fut inutilement longue et vexatoire.
Même si j’ai pu comprendre celles et ceux qui ont voté tactiquement Macron dès le 1er tour, non par adhésion, mais pour éviter d’avoir un choix style Fillon/Le Pen au 2e tour, je fus de celles et ceux qui, pour que le score de la candidate d’extrême-droite soit le moins élevé possible, n’a voté Macron qu’au 2e tour. Sans trop d’illusions, en tout cas pas celle de me faire prendre celui qui apparaissait comme un jeune Bayrou technocrate, pour un nouveau Mendès-France.
Il est vite apparu, qu’en bon centriste il n’était ni de gauche ni de gauche. Il est vite apparu aussi que, sous prétexte de rétablir une fonction présidentielle qu’il jugeait amoindrie par le côté bling-bling de l’un puis le côté velléitaire et bavard de l’autre, loin de ses discours de campagne, il méprisait tous les corps intermédiaires – collectivités territoriales, syndicats, associations... – avec des mesures brutales et non négociées (et pour la plupart, comme la suppression de la taxe d’habitation, très mal préparées).
Mais il bénéficiait d’un contexte favorable : outre une majorité parlementaire confortable et soumise, la gauche de gouvernement complétement implosée, en lambeaux, il n’avait en face de lui que les outrances de Mélenchon et la dérive ultra-droitière de Wauquiez.
Il aura donc fallu qu’il se tire lui-même une balle dans le pied avec cette minable affaire Benalla.
Un cabinet où on oublie de tirer la chasse
Elle eût pu et dû être réglée dès le 2 mai.
Mais qu’un collaborateur de l’Elysée – tellement en vue que personne ne le voyait finalement à côté de Macron – profite de son jour libre pour tabasser du manifestant en se faisant passer pour un flic est jugé comme une peccadille et ne lui a valu qu’une remontrance et une mise à pied de 15 jours. Pendant ce temps une vidéo, œuvre d’un « insoumis », courait sur les réseaux sociaux, mais qu’un supposé flic se comporte en voyou ne surprenait finalement personne.
Il a donc fallu que ce soit un journal, Le Monde, qui, pour Mélenchon et sa clique, est le porte-drapeau du « parti médiatique », qui révèle que le tabasseur avait usurpé les attributs policiers et était un membre clandestin du cabinet présidentiel pour que, après quand même une guignolade du porte-parole de l’Elysée, le pauvre Bruno Roger-Petit, affirmant que l’Alexandre avait subi une sanction sévère, jamais infligée jusqu’alors, pour qu’enfin le licenciement s’impose et que des poursuites judiciaires soient lancées. En toute logique, le supérieur direct, le chef de cabinet, eut dû lui aussi être prié de prendre la porte.
On ne peut plaider l’exemplarité quand de telles erreurs d’appréciation sont commises sans que le responsable direct en subisse les conséquences.
"L’affaire Benalla met une fois de plus en lumière des conseillers occultes, des organisations parallèles, des privilèges et des passe-droits. Tout ce qui nourrit la défiance des Français, fussent-ils en vacances, avec une démocratie française toujours malade.”
Le TEMPS (journal suisse)
Au lieu de ça, un petit personnage faraud, la surjouant sous les applaudissements mous de ses séides, de clamer sa seule responsabilité et de lancer ce faux défi « Qu’ils viennent me chercher ! ». Faut-il ajouter qu’il a osé – disciple de Mélenchon, le procureur du parti médiatique – affirmer « Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité » ? Et de rebondir sur des bruits de chiottes répandus par l’extrême-droite qui faisait de Benalla son amant et une information d’un Le Gorafi belge sur la prétendue détention des codes nucléaires par le garde du corps.
Un cabinet pléthorique et interventionniste
L’affaire a au passage révélé que, des simples CRS jusqu’au Préfet de Police, l’onction de l’Elysée permettait à un membre subalterne et clandestin du cabinet présidentiel d’avoir accès au debriefing des manifs du 1er mai. Et ce cabinet est déjà surdimensionné puisqu’on y compte officiellement une cinquantaine de membres, sans compter les militaires et les administratifs. Sans compter non plus ceux qui, comme Benalla, n’apparaissent pas sur l’organigramme.
Ces conseillers du prince outrepassent leur rôle en jouant les tuteurs des ministres. Ainsi, la pauvre Ministre de la culture, envisageant de renouveler l’actuel responsable à la tête de l’opéra, se heurterait au veto de la conseillère culturelle qui n’a toujours pas digéré une histoire de suppression de cloisons fixes entre des loges de l’Opéra Garnier en 2015, qui avait déclenché une pétition qu’elle avait signée.
Plus globalement, le cabinet intervient sur la composition des cabinets ministériels, mettant leurs membres en état de sujétion.
Il est malheureusement très peu probable que l’affaire Benalla mette fin à cette dérive qui voit des petits marquis surdiplômés et surmenés s’arroger des pouvoirs au détriment de ministres responsables, eux, devant le parlement. Au contraire, par son intervention Macron leur dit clairement qu’il leur garantit l’irresponsabilité judiciaire. Tant qu’ils sont ses hommes-liges.
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