Petit échange courtois mais un peu vain avec un jeune prof d’Histoire-géo qui réagissait à une condamnation du redoublement car « coûteux et inefficace ».
« L'argument du coût est non avenu » assénait-il, après avoir dénoncé ce qu’il appelle une « logique économique ».
Après lui avoir à mon tour martelé que c’était l’argent public que l’on gaspillait dans une politique inefficace (inefficacité qu’il ne semblait pas contester), j’eus droit à une réponse des plus bizarres : « Effectivement en "jeune" fonctionnaire fainéant et assisté je ne vis que pour une chose : voler l'argent des travailleurs. »
Lui ayant répondu que n’ayant fait aucune attaque personnelle cette réponse était nulle et non avenue, ce fougueux clionaute a cessé l’échange.
Mais ce n’est pas la première fois que je me heurte à cette dénonciation de la "logique économique", comme si s’inquiéter du bon usage des fonds publics – c’est-à-dire le produit de nos contributions directes ou non et aussi de notre endettement – était le fait d’un idiot utile au service du grand câpitâl !
Ainsi de la politique de santé. « La santé n’a pas de prix » clament ceux qui dénoncent les politiques de rationalisation de la santé publique. Sauf que si ! elle a un prix ! On peut contester les choix qui sont faits, dénoncer le cas échéant une logique technocratique voire une politique de gribouille qui, par des fermetures aveugles, transfère en fait les coûts. Mais pas se contenter de cette incantation rituelle contre la « logique économique ».
Pour en revenir au redoublement, dont je n’ai toujours pas compris si mon interlocuteur, prof d’histoire-géo (matière que j’ai pratiquée à une époque où le redoublement était, si j’ose dire, monnaie courante, et qui ne m’a jamais amené à demander quelque redoublement que ce soit) en était un adepte, des études sérieuses montrent qu’il est non seulement inefficace mais souvent nocif. L’actuel Ministre qui prétend le rétablir, alors qu’il n’a jamais été formellement aboli, en était, d’ailleurs, persuadé qui prônait dès 2010 qu’il soit exceptionnel (et qui déclare aujourd’hui qu’il doit rester rare !).
Faut-il rappeler aux nostalgiques du bon vieux temps, que dans les années 80 du siècle dernier, comme en réaction à la politique d’Alain Savary, les taux de redoublements étaient démentiels ? Plus du quart des élèves de sixième redoublaient dans le premier collège où je suis arrivé comme principal. Mais le mal était endémique dans le primaire : ainsi, à la fin des années 70, voyait-on des élèves passer directement de CM 1 en CPPN de collège – censées être au niveau 4e - car ils avaient 14 ans. Autrement dit, ils avaient redoublé quasiment toutes leurs classes de primaire. « Qui redouble son CP redoublera encore » était une loi statistique.
La lutte contre ce véritable massacre fut quasi-sisyphienne.
Et, comme disait Chirac, on croyait voir le bout du tunnel, l’extinction, sinon de la paupérisation, du moins de ce néfaste redoublement.
Que pour des raisons les plus cyniquement tactiques – complaire à des parents d’élèves partisans du redoublement… pour les enfants des autres, mais aussi à des profs qui y voient un attribut de leur pouvoir au lieu d’y voir un témoignage de leur échec – un Ministre le relance, on doit le condamner. Mais que des enseignants n’appartenant apparemment pas à la réacsphère (style Brighelli) l’approuvent est des plus inquiétant.
Rapport de 2004 du HAUT CONSEIL DE L’EVALUATION DE L’ECOLE (HCEE)