Un certain César Strawberry, de son vrai nom, César Montaña Lehmann, vient d’être condamné à un an de prison pour des touittes où, entre autres, il se moquait de l’envol de Carrerro Blanco, en décembre 1973. Souvenir d’une triste manif, dans la froideur d’une soirée au ciel plombé de début mars 1974 où, bras dessus bras dessous, nous sautions en scandant « Hop, hop, hop, Franco, plus haut que Carrero ». Ironie de l’histoire, j'étais à côté d'une militante du Sgen-CFDT qui portait ce nom, Franco, fille d’un réfugié républicain en France.
Pour les moins de 50 ans, qui n’ont, au mieux, entendu parler de Franco que dans leurs cours d’Histoire, précisons que l’Amiral Carrero Blanco fut un des derniers premiers ministres de Franco, dictateur vieillissant, choisi par lui pour assurer la continuité du régime dictatorial, national-catholique. Mais le 20 décembre 1973, au retour de la messe, sa voiture sauta, passant au-dessus des toits d’un couvent de jésuites, après l’explosion d’une charge de dynamite placée sous la chaussée.
Quelques mois plus tard, le 2 mars 1974, Franco faisait garroter Salvador Puig i Antich (25 ans), jeune anarchiste catalan, jugé coupable du meurtre d’un garde civil. Notre nocturne et glaciale manif, de Bastille à République ou l’inverse, protestait contre cette exécution barbare.
Donc notre César « Fraise » - pourquoi ce pseudo anglo-saxon de Strawberry ? – rappeur de son état, a commis, entre novembre 2013 et janvier 2014, quelques touittes du style "Beaucoup devraient suivre l’envol de Carrero Blanco" ou, à propos de l’anniversaire du roi, lui souhaitant une "bombe glacée" pour fêter ça ; moins finaud, de mon point de vue, une allusion à la séquestration pendant plus de 500 jours d’un cadre de l’administration pénitentiaire par l’ETA, quand cette organisation sévissait après la mort de Franco.
Je ne sais ce que vaut la production artistique de ce César et de son groupe Def con Dos. Comme, pour moi, le rap est à la poésie ou même à la chanson, ce que les romans de Houellebecq sont à la littérature et les pavés d’Onfray à la philosophie, je n’ai pas sollicité d’éminents hispanistes de ma connaissance pour m’en traduire des échantillons.
Mais ce qui ressort de ce que j’ai pu comprendre, c’est que, dans un premier temps, le tribunal avait classé l’affaire, estimant qu’elle relevait de l’ironie et du sarcasme. Mais, en deuxième instance, il est condamné pour apologie du terrorisme et mépris des victimes ! Et les plaisanteries sur Carrero Blanco, disciple de Franco, sont clairement visées.
Tout cela grâce à une législation antiterroriste (article 578 du Code pénal espagnol). Et au moment même où les nostalgiques du franquisme multiplient les provocations. On voit à quelles dérives peuvent, aux mains de juges particulièrement réactionnaires, conduire ces législations d’exception.
N.B. Le supplément Idées du Monde daté du 4 février consacre une page à cette affaire.
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