Le défenseur des droits, Jacques Toubon, avait à peine demandé un moratoire sur l’usage du flash-ball qui venait de blesser gravement un gamin de 14 ans, que le Ministère de l’intérieur opposait un refus méprisant. Et d’autant plus stupide que même la police des polices en recommande l’abandon. Et pour un bénéfice politique nul : Alliance continuera plus que jamais à rouler pour Sarko !
Le 17 juillet, le Défenseur des droits, Jacques Toubon avait décidé de se saisir d’office du cas d’un mineur, âgé de 14 ans, blessé par un tir de flash-ball au niveau des testicules, dans la nuit du 13 au 14 juillet 2015, à Argenteuil (Val-d’Oise).
Des circonstances, narrées par les copains de la victime, il ressortait que jouant avec des pétards à une heure avancée de la nuit, les jeunes avaient vu débouler un groupe d’émeutiers, poursuivis par des policiers. Le garçon a vu un policier le mettre en joue et il a reçu le projectile au bas-ventre. Bien qu’un de ses amis ait crié qu’il était blessé, aucun policier ne s’est préoccupé de son sort. Il a été ramené chez lui et son père l’a conduit aux urgences. Des termes techniques employés dans le certificat médical - "rupture de l’albuginée avec hématocèle de quantité abondante, avec contusions multiples hématiques de la pulpe testiculaire droite" – il ressort qu’il s’est fait éclater la peau protégeant le testicule droit.
Jacques Toubon, tout en rappelant qu’il avait déjà alerté sur les dangers de l’utilisation de ce flash-ball en mai 2013 a clairement « recommandé d’interdire l’usage de cette arme dans un contexte de manifestation et s’est prononcé en vue d’un moratoire général sur l’usage cette arme. »
Décision du Défenseur des droits MDS-2015-147 (extraits)
Constate, concernant le Flash-Ball superpro®, que le nouveau texte [de « recommandation générale »] ne mentionne toujours pas l’imprécision de cette arme, et recommande, si cette arme restait en dotation, de faire figurer expressément ces éléments ;
Constate que l’utilisation du Flash-Ball superpro® reste possible sans aucune restriction lors de contrôles d’identité, routier, comme dans un contexte de manifestation ;
Recommande à nouveau l’encadrement du recours à cette arme lors de contrôles d’identité, si cette arme restait en dotation ;
Recommande l’interdiction de l’usage de cette arme dans un contexte de manifestation, au vu de son imprécision, comme de la gravité des lésions pouvant découler de son usage ;
Recommande, pour ces mêmes raisons, dans l’attente d’une solution de substitution à cette arme, l’adoption d’un moratoire général sur l’usage du Flash-Ball superpro® ;
Constate, concernant le taser X26®, que cette arme sera désormais acquise sans dispositif d’enregistrement audio ou vidéo ;
Recommande au ministre de revenir sur cette position, l’enregistrement audio et vidéo étant essentiel, pour les agents comme pour les citoyens, au regard des caractéristiques de cette arme ;
Constate qu’aucune mention, visant à restreindre l’emploi du taser X26® en mode contact pour le menottage n’a été intégrée dans le nouveau cadre d’emploi ;
Recommande l’insertion d’une disposition en ce sens dans l’instruction du 2 septembre 2014…
A peine la recommandation faite que le Ministère oppose un NON catégorique. "Un moratoire sur les armes intermédiaires serait contre-productif et pourrait avoir des conséquences dangereuses : nous ne pouvons pas [...] nous permettre de désarmer nos forces de l'ordre".
A noter que, si la recommandation de Jacques Toubon portait sur d’autres armes dites intermédiaires ou non létales – taser, par exemple – le moratoire préconisé ne portait que sur le flash-ball. Soit le cabinet du ministre ne sait pas lire, soit il est de mauvaise foi.
Ce refus brutal est d’autant plus stupide que la recommandation du défenseur des droits vient après d’autres.
Dès 2010, après plusieurs cas d'éborgnements, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait recommandé «de ne plus utiliser cette arme lors de manifestations sur la voie publique, hors les cas très exceptionnels qu'il conviendrait de définir très strictement».
Et plus encore, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN, police des polices) préconise l'abandon du flash-ball, à l'origine de trop nombreux incidents graves lors d'intervention des forces de l'ordre. «Nous avons recommandé de ne pas le garder et de le remplacer par un nouveau lanceur de balles plus précis», a déclaré jeudi Marie-France Moneger-Guyomarc'h, directrice de l'IGPN à l'occasion du bilan de la police des polices.
Cette capitulation en rase campagne s’ajoute à celle, encore plus grave, sur les contrôles au faciès qui, plan Vigipirate aidant, continuent de plus belle.
La doctrine, instaurée par Valls quand il était lui-même à l’intérieur, semble être de ne rien faire qui puisse froisser les syndicats les plus droitiers de la police. Alliance peut même impunément répandre des mensonges dans les micros qui se tendent complaisamment. Mais cette lâcheté est prise pour ce qu’elle est, de la faiblesse. Et conforte donc ces syndicats ultra-droitiers, toujours en cheville avec leurs ex-patrons sarkozystes, au détriment des syndicats réellement républicains.